J'aime ces paysages où la nature a pris son temps pour marier dans un puzzle impressionniste la terre avec la mer et le ciel pour ne faire qu'un.
En partant de Granville sur la Douce France, Chausey apparaît comme une perle, un mirage fragile qui flotte sur les eaux. On y débarque avec un peu d'appréhension en se disant qu'il ne faut pas abîmer un tel lieu, bercé par la douceur du gulf stream, et exempt de pollution. C'est un Eden pour tous les animaux marins. Nous ne sommes qu'à une dizaine de kilomètres des côtes et pourtant, on se croirait dans un autre monde où les voitures sont proscrites, un monde entièrement voué à la nature. On y ressent une forme de sagesse que l'on a malheureusement oubliée.
Dans cet archipel tantôt sableux, tantôt rocheux formé de 52 îles à marée haute mais de 365 à marée basse, ce sont deux mondes complètement différents qui se côtoient. Avec une amplitude de marée de 14m aux plus forts coefficients, l'équivalent d'un immeuble de 4 étages, à marée basse, c'est un dédale chaotique et lunaire qui s'offre à notre regard. Comment résister à cette invitation face aux 40 km² jusqu'alors cachés dans leur écrin. Vasières, hauts-fonds, chenaux tortueux, la mer s'est à peine retirée et la vie grouille de partout : crabes, coquillages et autres soles sont là tapis sous un rocher ou une touffe d'algues, ou bien cachés sous quelques centimètres de sable. C'est le paradis pour quelques dizaines de pêcheurs à pied qui, munis de leur pique, de leur fourche et autres paniers s'en vont conquérir ces terres éphémères. C'est très bien aussi pour les gourmands qui rêvent d'une succulente dégustation de fruits de mer ou de crustacés !
Ici, nul besoin horloge : c'est la mer qui, au rythme de sa lente respiration, sculpte inlassablement une oeuvre majestueuse, régit la vie de l'île et de sa douzaine d'habitants. Chausey semble indestructible, posée depuis une éternité sur son socle de granit contre vents et marées. Mais il ne faut pas s'y tromper : noyée dans son immensité, elle est fragile. C'est par un savant équilibre que la nature nous offre un tel paradis. Elle nous accueille dans ces lieux privilégiés mais pour combien de temps encore si nous ne prenons pas le soin de la respecter...
A bientôt,
Pierre